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La baisse des prix relancera la consommation et la croissance

faux

Croit-on vraiment que c’est en relevant les prix qu’on va relancer la consommation et développer l’emploi ?
Post de blog de Michel-Edouard LECLERC, le 5 décembre 2013 (http://www.michel-edouard-leclerc.com/)

C’est par cette fausse interrogation que Michel-Edouard Leclerc démarre son dernier billet de blog. En réduisant la problématique de la formation des prix dans la chaîne alimentaire du producteur jusqu’au consommateur à une simple pirouette rhétorique, le grand chef de la guerre des prix simplifie le débat à outrance pour éviter d’avoir à évoquer le sujet sur le fond.

Bien entendu, affirmer qu’augmenter les prix serait une sorte de recette miracle pour doper d’un coup de baguette magique la consommation et la croissance est un non-sens. Mais il est bon de prendre le raisonnement dans l’autre sens. La hausse des prix serait mauvaise pour la consommation et la croissance, la baisse serait donc la formule magique. Michel-Édouard Leclerc aurait trouvé la martingale pour redonner du souffle à une économie nationale souffreteuse en cassant les prix proposés aux consommateurs. Bien entendu, ce n’est pas à lui de payer la facture, mais à ses fournisseurs, issus essentiellement de l’industrie agroalimentaire qui doivent sacrifier leurs marges pour financer leur croissance. Disons-le clairement, cet argument est un non-sens économique absolu : tout comme certains as de la finance ont cru que les subprimes étaient une idée de génie pour faire flamber les marchés, les tenants de la déflation sont les fossoyeurs de l’industrie française s’ils n’ont d’autre stratégie que de recourir au low cost pour conquérir le cœur mais surtout les portefeuilles de consommateurs.

– MEL assène comme une évidence que la consommation est le moteur de la croissance française. Statistiquement, il a raison sur deux points. Le premier, c’est que la consommation des ménages représente un peu plus de la moitié du PIB français. La deuxième, c’est que les dépenses des Français ont, entre 2002 et 2012, représenté entre 50% et 100% de la croissance française, l’investissement des entreprises et le commerce extérieur étant réduits à la portion congrue. La question, n’est pas, comme le demande MEL, de savoir si ce modèle est désirable ou non, mais de savoir s’il est soutenable ou non ! C’est là la vraie question ! Les cinq dernières années nous en ont apporté la preuve éclatante : une économie qui fonde sa croissance sur les seules dépenses des ménages est vouée à s’affaiblir à long terme. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’un pays qui ne souhaite que flatter le consommateur va d’abord veiller à maintenir les prix les plus faibles possibles, que cela entraîne une hausse des importations qui pèse sur la balance commerciale, mais aussi participe à l’écrasement des marges des industriels qui n’ont plus les moyens d’investir, d’augmenter les salaires et puis de recruter. Au final, c’est l’emploi qui est menacé et donc la consommation qui est fragilisée. L’industrie textile n’a-t-elle pas été victime de cette course au prix le plus bas ?

– Au-delà des problématiques purement sectorielles, une inflation trop faible est le signe d’une économie en grande détresse. Au mois d’octobre 2013, l’inflation française n’atteignait plus que 0,6%. Cessons de faire croire que c’est une bonne nouvelle ! Au contraire, c’est une véritable catastrophe ! Une économie qui ne génère pas d’inflation, c’est une économie qui est amorphe, où il n’y a plus aucune friction liée à des tensions sur l’offre et de la demande. Dit autrement, un pays où les prix n’évoluent pas est un pays qui meurt à petit feu, qui préfère la rente au salaire et l’apathie au dynamisme. Ce n’est pas un hasard si toutes les banques centrales des économies développées visent une cible d’inflation de l’ordre de 2%. C’est reconnaître que plus de 2% est difficile à accepter, mais que moins de 2% est trop synonyme de déprime. C’est pour cette raison que le mois dernier la Banque Centrale Européenne a pris la décision historique de baisser son principal taux directeur à 0,25% (autrement dit rien) afin de prévenir tout risque de déflation. L’Institut de Francfort est pourtant un modèle d’orthodoxie en matière de politique monétaire : si la BCE a pris cette décision c’est que la menace déflationniste est réelle et dangereuse. Et tous les plaidoyers publicitaires de MEL n’y changeront absolument rien !

Contestable sur le fond, la démarche de Michel-Edouard Leclerc l’est tout autant sur la forme, car pour remporter la guerre qu’il livre à ses concurrents, il prend tout le monde en otage en divisant consommateurs et industriels d’un côté et PME et grands groupes de l’autre.

Non, les entreprises ne veulent pas faire payer trop cher les produits alimentaires aux Français. Au contraire! Ils veulent simplement leur faire payer le juste prix de la transformation, celui qui garantit la qualité, la sécurité et la pérennité des emplois en France. N’oublions pas que les consommateurs sont avant tout des salariés et des citoyens !

Non, il n’y a pas lieu de faire de lois d’exception selon que les fournisseurs soient de grande ou de petite taille. Ce n’est pas parce qu’une entreprise a réussi l’exploit de s’imposer sur les marchés étrangers qu’elle doit être châtiée sur son marché domestique. La France a besoin de toutes ses entreprises qu’elles soient petites ou grandes, régionales ou internationales !

Donc NON, Monsieur Leclerc, personne n’est assez naïf pour croire qu’il suffirait d’augmenter les prix pour retrouver la croissance. Mais n’essayez pas de faire croire qu’une guerre des prix ne fera pas de victimes, y compris parmi les adhérents du groupement d’achat Leclerc.

Cessons, au plus vite, cette guerre du prix le plus bas qui tue l’emploi, l’investissement et la croissance en France.

Cessons ce combat terrible, stupide, destructeur et court terme.

Communiquons plutôt notre fierté de concevoir, produire, distribuer et offrir aux consommateurs des produits de qualité, d’une grande diversité au plus juste prix.