Interview de Christophe Monnier, directeur agroalimentaire de Business France

Business France a publié la 10ème édition de son étude « Agroalimentaire, Où exporter en 2018 ? ». Ce document, réalisé avec le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, comporte 15 zooms sectoriels et 40 fiches fiches pays et publireportages thématiques.

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Auteur

Vanessa Quéré

Vanessa Quéré

Directeur Export & Régions

Au sein du département économie et compétitivité, Vanessa Quéré suit les questions internationales et économiques. Interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et partenaires extérieurs sur ces sujets, elle veille à la prise en compte des besoins des entreprises agroalimentaires.

Evoluant à l’ANIA depuis 2008, elle a d’abord mis en place une cartographie des dispositifs d’appui à l’innovation dans l’agroalimentaire, avant d’intégrer et d’accompagner le développement du service Economie et compétitivité de l’ANIA.

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Retrouvez ci-dessous l’interview de Christophe Monnier, directeur agroalimentaire de Business France, pour le magazine Process Alimentaire.

L’Europe reste-elle un débouché à privilégier ?

Oui. C’est même son grand retour ! Il est vrai que la croissance est plus forte dans les pays émergents. L’Europe ne représente plus que 60 % de la valeur exportée, contre 70 % il y a dix ans. Néanmoins, il existe de réelles opportunités sur des marchés proches. Bien que matures, ces marchés sont fiables sur les plans douaniers, monétaires, etc. Surtout, ils vivent un renouvellement de l’offre alimentaire suite aux changements d’habitudes de consommation. Ce qui offre des opportunités pour des produits apportant davantage de praticité, plus sains, plus authentiques… Les entreprises françaises ont clairement une carte à jouer !

Quels pays européens faut-il viser ?

Nous observons des taux de croissance à la chinoise en Pologne (+ 18 %) ou en Tchéquie (+ 10 %), où les classes moyennes ont une forte volonté de rattrapage. Depuis deux ans, nous observons aussi une reprise en Europe du Sud. Ces pays ont beaucoup souffert, mais à l’exception de la Grèce, ils repartent à la hausse, que ce soit l’Italie (+ 4%), l’Espagne (+ 3%) et surtout le Portugal (+ 6 %). Enfin, les quatre pays nordiques représentent un total d’1 Md€ exportés. C’est autant que la Suisse. Il y a dans ces pays une recherche de sophistication, associée à un fort pouvoir d’achat et une bonne croissance, en particulier en Suède et au Danemark.

Quel a été l’effet du Brexit ?

Il est encore trop tôt pour conclure. Les experts attendaient un effondrement économique qui n’a pas eu lieu. Il y a même eu une belle croissance du marché britannique en 2016. En 2017, nos exportations ont tout de même perdu 2 % en valeur, surtout sur les vins. Il y a peut-être eu un effet du renchérissement de la livre sterling. Mais l’ensemble est globalement stable, le Royaume-Uni reste le troisième client de la France.

La Russie est-elle toujours bloquée ?

Après des années de baisse, nous observons une reprise des exportations, mais elle concerne surtout les vins, qui ne sont pas affectés par l’embargo. Les viandes, les produits laitiers et les fruits et légumes restent sous embargo. Au global, le débouché russe est même passé derrière la Corée du Sud ou les Émirats Arabes Unis, qui font chacun 400 M€.

Au global, comment ont évolué les exportations en 2017 ?

A fin août, en année glissante, nous observons une reprise des exportations agricoles et agroalimentaire de 2,4 % en valeur. Cette croissance est essentiellement portée par les vins et spiritueux (+ 10 %) et les produits laitiers (+ 6%). Elles pèsent un total de 59,3 Mds€. C’est un retour au niveau de 2015. Le résultat aurait pu être meilleur sans le trou d’air – conjoncturel – des céréales (-27,7 %), provoqué par les mauvaises récoltes. Tous les autres produits sont bien orientés, sauf les viandes qui stagnent à +0,4 %. A noter le bel essor des produits de boulangerie aux Etats-Unis (+ 30%) et en Chine (+ 50%).

C’est positif. Cependant d’autres pays font encore mieux...

En effet. Nos exportations croissent moins vite que celles de nos concurrents. C’est vrai pour la Chine et le Brésil, ce qui reste logique au regard de leurs dimensions. En revanche, c’est plus préoccupant vis-à-vis de l’Allemagne, qui nous est passée devant en 2011 et qui creuse l’écart. Tout comme de l’Espagne qui se rapproche dangereusement. Ces deux pays ont pourtant les mêmes conditions monétaires et réglementaires. Ce qui conduit à s’interroger sur la compétitivité des filières françaises.

Comment relever ce défi de la compétitivité ?

C’est un sujet qui a été au cœur des États Généraux de l’Alimentation. Sur le constat tout le monde est d’accord. Ce n’est pas qu’une question de prix, mais aussi de « hors prix ». Ce qui compte c’est l’organisation et la valeur ajoutée apportée aux produits. Cela passe par l’innovation et des solutions numériques afin que l’offre française soient présente dans l’économie de demain en particulier via le e-commerce. Une vraie modernisation est nécessaire. Il faut y aller, nous sommes capables de le faire. Personne ne dit que c’est simple, mais le jeu en vaut la chandelle. Partout dans le monde, les consommateurs ont besoin de réassurance, d’authenticité et de la part de rêve que peut apporter la French touch. Mais l’image de la France ne suffit pas, il faut s’adapter aux attentes des consommateurs. C’est pourquoi l’export et l’innovation sont intrinsèquement liés. Les entreprises qui exportent le plus sont celles qui innovent le plus. Cela signifie qu’il faut intégrer l’international dans toutes les dimensions de l’entreprise : production, marketing, commercial, etc., et qu’il soit porté au plus haut niveau. Les acteurs du commerce extérieur, comme Business France, sont à la disposition des entreprises pour inscrire leurs stratégies dans la durée, définir les pays prioritaires, les plans d’action, étudier les marchés, faire une veille réglementaire, délivrer des statistiques marché ainsi que proposer des plans prospection.