Bilan économique 2017 de l’industrie alimentaire

 

Taux de marge sous tension sur fond de guerre des prix et décrochage de compétitivité : l’industrie alimentaire, toujours le premier secteur industriel français, mais pour combien de temps ?

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Auteur

Stéphane Dahmani

Stéphane Dahmani

Directeur Economie

Au sein du département économie et compétitivité, Stéphane DAHMANI suit les dossiers relatifs à l’économie et la compétitivité du secteur agroalimentaire.

Son rôle est de représenter l’ANIA dans différentes instances (MEDEF…) et auprès des Pouvoirs Publics et d’apporter son expertise aux commissions, groupes de travail et services de l’ANIA. Ses principales fonctions sont d’assurer le suivi d’indicateurs économiques et de panel et la production d’une veille sur le secteur agroalimentaire. Il participe également à la rédaction de notes de conjoncture, de positions et d’argumentaires sur le secteur, dont il assure la synthèse et la diffusion auprès de nos différents adhérents (fédérations, entreprises).

Auparavant il était Economiste pendant 5 ans à la Direction Générale du Trésor. Il a notamment eu en charge, pendant 4 ans, la réalisation de prévisions macroéconomiques (Inflation, Consommation des ménages et Croissance) au sein du service des Politiques macroéconomiques et des affaires européennes (SPMAE) de Bercy. Plus récemment, il était le responsable du suivi des entreprises françaises (situation économique et financière) et rapporteur au sein de l’Observatoire du financement des entreprises, auprès de la Médiation du crédit.

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Jean-Philippe GIRARD, président de l’ANIA a présenté ce matin lors d’un point presse le bilan économique 2017 de l’industrie alimentaire et ses perspectives 2018.
Les entreprises alimentaires ont continué en 2017 de subir de plein fouet les effets de la guerre des prix, encore amplifiés par des négociations commerciales 2017-18, extrêmement difficiles malgré les Etats généraux de l’alimentation (EGA).
Dans ce contexte tendu, le secteur démontre néanmoins sa capacité de résilience, notamment sur l’emploi.

 

En 2017, le secteur agroalimentaire conserve sa position de leader de l’industrie française avec ses 429 079 emplois directs (+4 491 emplois par rapport à 2016) et un chiffre d’affaires (CA) de 180 milliards d’euros (+3,9 % vs 2016). Néanmoins, cette augmentation de CA, fortement alimentée par une dynamique à l’export redevenue favorable et la hausse des matières premières alimentaires (+12%), est à relativiser par rapport à la tendance observée dans le reste de l’industrie (+5,8%).

 

L’export reste une opportunité majeure pour les entreprises, il représente 21% de leur CA, pour un excédent commercial de 7,6 milliards d’euros (+4 % vs 2016). La France réussit ainsi à se maintenir en 4ème exportateur mondial derrière les Etats-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas. Il existe néanmoins une forte marge de progression quand on observe que cette dynamique n’est portée que par 20% des entreprises (contre 80% en Allemagne).

 

Ces bonnes nouvelles en matière d’emploi et d’export ne sauraient masquer une réalité économique et financière globale qui se détériore, notamment au regard du reste de l’industrie.

On assiste en effet en 2017 à une forte baisse du taux de marge des entreprises alimentaires (- 6 points en 10 ans) pour atteindre son plus bas niveau depuis 40 ans, et une production qui continue de reculer (-0,4% après -1,3 % en 2016 vs +2,2 % dans le reste de l’industrie). En parallèle, les prix des produits de grande consommation alimentaire ont continué de reculer, pour une baisse totale de près de 4 points entre 2014 et 2017.

 

Une destruction de valeur liée directement à la guerre des prix que se livrent les distributeurs et qui représente une perte de près de 4 Md€ pour la filière alimentaire depuis 2014. Cette année n’a pas fait figure d’exception, malgré les EGA et la signature d’une charte en novembre par tous les acteurs, avec une poursuite de la guerre des prix et des promotions qui a continué d’affaiblir dangereusement la situation financière des entreprises alimentaires et des agriculteurs.

 

Tout cela, sans relance de la consommation et sans impact sur le pouvoir d’achat des ménages :

  • La consommation continue de ralentir cette année, s’inscrivant à + 0,8 % (contre +1.4% dans le reste de l’industrie)
  • Le pouvoir d’achat ne se joue donc pas dans le caddie du supermarché, qui aujourd’hui représente moins de 10% du budget des ménages !

 

Négociations commerciales 2018 : malgré les EGA et la charte, aucun progrès !

Cette année encore le climat des négociations s’est avéré catastrophique. Ainsi, selon le dernier Observatoire des négociations commerciales de l’ANIA, au 5 mars 2018 :

  • 90 % des entreprises consultées avaient besoin d’une hausse de tarif afin de conduire leur stratégie commerciale
  • Mais 47 % ont finalement signé en déflation et si 37 % ont obtenu une modeste hausse de tarif, elle reste toutefois bien éloignée de leurs besoins !

 

Mettre fin à une situation qui met en péril l’industrie alimentaire française et son amont agricole, avec un projet de loi pour enfin rééquilibrer les relations commerciales et permettre à tous les acteurs de la filière de vivre de leur travail !

Dans le prolongement des discussions des EGA, les entreprises alimentaires sont plus que jamais en attente du projet de loi actuellement en discussion au Parlement et qui doit enfin rééquilibrer les marges sur l’ensemble des produits alimentaires dans le but de recréer de la valeur pour tous les acteurs de la filière, au bénéfice du consommateur.

 

Cette nouvelle loi est nécessaire mais elle doit aussi s’accompagner d’un renforcement des contrôles et des sanctions.

Des sanctions dissuasives qui doivent permettre un rééquilibrage du rapport de forces dans les relations commerciales tout au long de la chaîne. Car aujourd’hui les amendes prononcées à l’égard des distributeurs ne sont nullement dissuasives, encourageant même les mauvaises pratiques.

Le secteur agroalimentaire reste une force économique pour notre pays, notre industrie recrute et exporte, mais pour combien de temps encore ? Les prix alimentaires vendus en GMS ne font que reculer avec une perte globale de 4 milliards d’euros en 4 ans, les taux de marge des entreprises s’effritent chaque année, nous décrochons par rapport au reste de l’industrie et par rapport à nos concurrents européens ! Les entreprises alimentaires et le monde agricole ne peuvent plus attendre ! Il nous faut une loi qui rééquilibre le rapport de force entre 17647 entreprises, 500 000 exploitations agricoles, et seulement 4 centrales d’achats de la grande distribution qui détiennent 92% du marché… Une loi pour un juste prix des produits alimentaires et une meilleure répartition de valeur dans l’ensemble de la filière. Une loi qui inverse enfin un système destructeur et permette à tous les acteurs de la filière d’investir dans une alimentation plus saine, plus sûre, plus variée, plus durable et accessible à tous. Tout cela pour 50 centimes par mois et par personne. Stoppons, avant qu’il ne soit trop tard, ces postures et ces mensonges qui nuisent à notre filière et à notre image, et qui détruisent inutilement de la valeur et de la confiance.
Jean-Philippe Girard, président de l'ANIA