Les enjeux énergétiques pour les entreprises agroalimentaires

Le service Développement Durable de l’ANIA fait le point sur les enjeux énergétiques des entreprises agroalimentaires

Mots Clés

Restez informé ! Choisissez votre newsletter


Auteur

Charlène Poveda

Charlène Poveda

Responsable environnement

Au sein de l’ANIA, Charlène Poveda a pour mission de traiter les sujets liés à l’environnement et au développement durable. Elle anime notamment les groupes de travail « Modes de production », « Energie et changement climatique » et « Information environnementale », avec pour objectifs de favoriser les échanges et l’expertise collective tout en soutenant la compétitivité des entreprises. Elle est également en charge de recueillir et de valoriser les bonnes pratiques des entreprises.

Auparavant, elle a occupé des fonctions de Chargée de Développement Durable et d’Auditrice Interne au sein d’entreprises agroalimentaires en France et à l’étranger.

All Articles

Dans le prolongement du rapport Canfin-Grandjean sur les financements innovants dans la lutte contre le changement climatique (juin 2015) qui mettait déjà en avant la proposition de corridor de prix du carbone, et à la suite de la COP 21, Ségolène Royal a confié une mission à Gérard Mestrallet, Alain Grandjean et Pascal Canfin en vue d’identifier les moyens de mettre en place un corridor de prix et une fiscalité carbone au niveau européen.

A la suite de la publication du rapport (ici), l’ANIA rappelle sa position.

Panorama de l’industrie alimentaire

L’IAA est le 1er secteur industriel français avec 16218 entreprises dont 98% de PME, et plus de 440 926 emplois directs.  Ce secteur représente 170 milliards d’euros de chiffre d’affaires et a un impact très positif sur la balance commerciale française avec un excédent de 11 Mds € en 2014.

Le secteur agroalimentaire se distingue de l’amont agricole par son caractère industriel : il représente des usines de production et de transformation de la matière première. Les industries agroalimentaires ont des profils divers selon leurs types de production et leur taille. Les enjeux sont donc très variables entre les entreprises de la première transformation (sucre, lait, corps gras, amidon, levure par exemple) et les entreprises de la deuxième transformation (fabrication de produits élaborés, souvent en contact avec le consommateur) mais aussi entre des leaders mondiaux et des PME dynamiques réparties sur le territoire Français.

 

En matière d’énergie, les entreprises de la première transformation ont des enjeux liés à la combustion (utilisation importante de gaz ou de vapeur pour le séchage par exemple) et à la consommation d’électricité (procédés de trituration, de séparation, …) tandis que la deuxième transformation est plutôt concernée par la consommation d’électricité (pour le fonctionnement des outils industriels).

Bien que les profils très variés d’entreprises rendent difficile l’appréhension globale des enjeux énergétiques du secteur des IAA, cette diversité doit être prise en compte lors de l’élaboration des différentes politiques et en particulier celles liées à l’énergie.

En effet, les achats d’énergie représentent en moyenne le 2ème poste de dépense après celui des matières premières.  Ces dépenses concernent la consommation et l’acheminement du gaz ou de l’électricité, le stockage de l’énergie, la fiscalité énergétique et enfin l’achat de quotas de CO2 pour les entreprises soumises à la Directive ETS.

 

Enfin, pour développer l’efficacité énergétique de leurs installations, les IAA sont également productrices d’énergie, grâce à :

  • la cogénération : qui permet de transformer la chaleur produite en énergie, qui est réutilisée au sein du site industriel. Le parc d’installations de cogénération des secteurs de l’agroalimentaire français représente le tiers du total des installations de cogénération implantées sur le sol national.
  • la méthanisation : le biogaz, issu des résidus organiques des matières premières transformées, est majoritairement réinjecté pour l’autoconsommation du site de production. Cela permet de réduire l’achat d’énergies non renouvelables.

Position de l'ANIA

Les IAA étant consommatrices de gaz et d’électricité et leurs spécificités par rapport à d’autres secteurs d’activités n’étant pas identifiées, elles subissent une accumulation de contraintes notamment en termes de fiscalité.

 

Nomenclatures des IAA

Du fait de sa diversité, l’IAA dans son ensemble n’est pas identifiée comme secteur à risques ou exposé aux fuites de carbone. Cependant certains sous-secteurs de l’agroalimentaire répondent aux critères des « secteurs à risques » et devraient pouvoir bénéficier des exonérations/compensations qui permettent de garantir la compétitivité des sites industriels nationaux.

De ce fait, l’identification des contraintes spécifiques à chaque sous-secteur des IAA est essentielle. Pour cela, la liste des secteurs exposés aux fuites de carbone doit s’appuyer sur la Décision 2014/746/UE et non la communication 2012/ C 158/04 qui émanait de travaux préparatoires. En effet, dans la Décision de la Commission de 2014, la liste est basée à la fois sur des codes NACE-4 et sur des codes PRODCOM. Ce point est très important pour les industries agroalimentaires car l’utilisation des codes PRODCOM permet de prendre en compte la diversité des entreprises de notre industrie.

 

 

Fiscalité énergétique au niveau national

Les IAA soutiennent la nécessité d’aller vers une fiscalité bas carbone supportée équitablement par tous les secteurs industriels. Cependant, les mesures prises au niveau national ne doivent pas pénaliser les entreprises françaises déjà soumises à une forte pression fiscale par rapport aux pays européens.

Or, les nouvelles réglementations fiscales (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité -TICFE/ Tarif d’Utilisation du Réseau Public accordée aux sites fortement consommateurs d’Electricité – TURPE/ Taxe Carbone/ Taxe intérieur de consommation sur le gaz naturel TICGN) n’intègrent pas les enjeux des IAA (telles que les pics de consommation d’énergie liés à la saisonnalité de certaines activités) et soumettent les IAA à un choc fiscal soudain et très élevé.  Cela s’explique notamment par le relèvement/abaissement de certains seuils, la non éligibilité aux exonérations prévues pour les secteurs à risques (cf paragraphe sur la nomenclature des IAA),

L’ANIA souhaite que les spécificités des IAA soient intégrées lors de l’élaboration des réglementations et politiques liées à l’énergie.

 

 

Prix plancher et corridor de prix carbone

L’ANIA soutient le principe d’un signal carbone qui constitue un élément déclencheur des investissements dans les technologies et solutions bas carbone et qui permet le succès de la stratégie européenne en matière de lutte contre le changement climatique et la réduction de la dépendance énergétique de l’Europe.

Ce signal doit s’effectuer au niveau européen, et non au niveau national, et doit s’accompagner de mécanismes efficaces de protection contre les fuites de carbone afin de protéger l’industrie européenne.

 

Directive ETS

L’ETS (Emission Trading System), système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, a été conçu pour réguler les volumes d’émissions de CO2. L’ANIA partage l’objectif global de l’ETS, qui est d’atteindre les objectifs de réduction des émissions au moindre coût.

Une centaine de sites agroalimentaires français sont soumis à l’ETS et couverts de 50% à 90% par l’allocation de quotas de CO2.

 

Dans le cadre de la révision de la Directive ETS qui régulera les marchés de 2020 à 2030, l’ANIA souligne l’importance de générer des coûts limités, de fournir un cadre d’investissement prévisible et une protection intégrale des secteurs exposés à la concurrence internationale en leur assurant un niveau suffisant de quotas gratuits et de compensations des coûts indirects.

 

  • Allocation des quotas et compensations:

 

Pour les raisons exprimées précédemment, l’allocation des quotas pour les IAA doit être déterminée selon la classification des codes NACE 4 et Prodcom.

Les industries à risque doivent être couvertes à 100% par les quotas gratuits. Pour cela, l’ANIA est en faveur des propositions de Business Europe :

  • Utiliser des quotas non alloués, visant à être mis aux enchères,
  • Veiller à ce que les allocations prévues pour le Fonds d’innovation proviennent de la part de la vente aux enchères des quotas,
  • Mieux ajuster les allocations de quotas, en se basant sur les activités réelles des entreprises (et non les activités historiques). L’ANIA propose que le renouvellement des allocations soit étudié tous les ans.
  • Proposer des benchmarks réalistes et liés aux réalités technologiques.

De plus, l’impact du facteur de correction trans-sectoriel doit être réduit.

Avec la non-reconnaissance actuelle de la cogénération répandue dans les IAA et notamment les secteur sucriers et amidonniers, le taux de couverture des quotas gratuit pour la majorité des IAA sera inférieur à 60%.

 

  • Tiered approach :

 

Plusieurs Etats membres (France, République tchèque, Royaume Unie, Slovaquie) soutiennent la mise en place d’une approche différenciée du taux de protection des secteurs en fonction de leur exposition au risque de fuites de carbone élevé, moyen ou faible).

L’ANIA n’est pas en faveur de cette approche. Tous les secteurs à risque de fuites de carbone doivent être traités sur un pied d’égalité pour la répartition des quotas gratuits.

Informations

Pour plus de détails concernant ce sujet, merci de contacter Charlène Poveda, Responsable environnement de l’ANIA.